Perfusions longues : la circulaire CIR‑9‑2025 change la donne pour les IDEL
Temps de lecture : 5 minutes
Depuis le 25 juin 2025, les infirmiers libéraux doivent composer avec une nouvelle directive émise par la CNAM : la circulaire CIR‑9‑2025. Ce texte, bien que peu médiatisé, marque un tournant important dans la cotation des perfusions longues réalisées à domicile. En apparence, il ne s’agit « que » d’une mise au point administrative mais en réalité, cette circulaire bouscule les pratiques, réduit certaines cotations, et soulève de nombreuses inquiétudes dans la profession.
Si vous êtes infirmier libéral, vous êtes directement concerné et si vous avez déjà été confronté à des refus de cotation ou des demandes de remboursement, vous savez à quel point une ligne de facturation peut tout changer.
Alors, que contient vraiment cette circulaire ? Quelles sont les règles à appliquer désormais ? Et surtout, quelles sont les conséquences concrètes pour votre pratique et votre rémunération ? Voici une lecture complète, pédagogique et illustrée de ce texte qui ne laisse personne indifférent.
Rappel : qu’est-ce qu’une circulaire et pourquoi cela compte ?
Avant de plonger dans le contenu de la CIR‑9‑2025, il est utile de rappeler ce qu’est une circulaire. Contrairement à une loi ou un décret, une circulaire n’a pas de valeur normative directe. Il s’agit d’un document interprétatif : une autorité administrative et comme ici la CNAM, y expose comment elle entend appliquer une réglementation existante.
En théorie, une circulaire ne crée pas de droit mais en pratique ? Elle oriente les décisions des CPAM, influence les contrôles et peut aboutir à des rejets de factures ou à des indus si vous ne vous y conformez pas. C’est donc un texte à prendre très au sérieux.
Pourquoi une nouvelle circulaire maintenant ?
La CNAM justifie cette circulaire par une volonté d’harmonisation des pratiques de cotation pour les perfusions longues. Depuis des années, les règles varient selon les départements, les CPAM et les agents eux-mêmes. Pour un même acte, certains infirmiers pouvaient coter deux AMI 14 ou 15 par jour mais d’autres seulement un.
Cette disparité territoriale générait une grande insécurité pour les IDEL : contrôles injustifiés, remboursements différés et requalifications rétroactives. Résultat : une profession placée dans l’incertitude et une perte de temps considérable dans les recours.
Avec la CIR‑9‑2025, la CNAM affiche donc sa volonté d’y mettre fin mais à quel prix pour les professionnels ?
Ce que change la circulaire CIR‑9‑2025, point par point
Une seule cotation AMI 14 ou 15 par jour
C’est le cœur du changement : si deux perfusions longues sont réalisées dans la même journée, vous ne pouvez plus coter deux fois l’AMI 14 (ou l’AMI 15 selon le cas). Même si les actes sont distincts (matin et soir), une seule cotation AMI 14/15 est autorisée.
Exemple :
- Avant :
8h00 : AMI 14
20h00 : AMI 14 + AMI 5/2 - Maintenant :
8h00 : AMI 14
20h00 : AMI 4,1
Cela entraîne une perte de valorisation significative pour les IDEL dans les situations de soins intensifs, comme les antibiothérapies biquotidiennes.
Exception maintenue : si une perfusion longue est réalisée en même temps qu’une perfusion courte sous surveillance (AMI 9 ou 10), alors la double cotation (AMI 9 + AMI 14) reste autorisée à taux plein.
L’AMI 5 devient très restrictif
Autre impact majeur : l’AMI 5, autrefois utilisé pour le débranchement d’une perfusion, est désormais strictement encadré.
Vous ne pouvez plus l’utiliser systématiquement en fin de séance. La CNAM réserve son emploi aux cas suivants :
- Débranchement définitif (ex. : fin du protocole ou retrait du dispositif),
- Perfusion de plus de 24h.
Dans les autres situations (perfusion interrompue, pause temporaire, traitement < 24h), vous devrez utiliser l’AMI 4,1, qui est moins valorisé.
L’AMI 4,1 : plus présent mais encadré
La circulaire introduit un recours plus fréquent à l’AMI 4,1, mais sous des conditions très précises :
Quand l’utiliser ?
- Lors de la surveillance active d’une perfusion (débit, complications, changement de flacon),
- Pour le débranchement temporaire de perfusions de moins de 24h,
- En cas de branchement en Y avec double voie (cotation possible à 50% pour la 2e).
Quand il est interdit ?
- Lors de la pose initiale de la perfusion longue (AMI 14 ou 15 déjà valorisé),
Si son usage n’est pas justifié par un acte spécifique.
Cas pratiques de cotation : avant/après
Voici trois cas concrets pour visualiser l’application des nouvelles règles.
Cas 1 : Perfusion longue matin et soir pendant 3 jours
Avant :
- J1 matin : AMI 14
- J1 soir : AMI 14 + AMI 5/2
- J4 : AMI 5
Après :
- J1 matin : AMI 14
- J1 soir : AMI 4,1
- J4 : AMI 5 (fin de traitement)
Cas 2 : Perfusion mixte longue + courte
- J1 matin : AMI 9 + AMI 14
- J1 soir : AMI 9 + AMI 4,1
- J3 soir : AMI 4,1
- J4 matin : AMI 5
Cas 3 : Perfusion unique de 6h
- 8h00 : AMI 14
- 14h00 : AMI 5 (fin de traitement)
Des conséquences financières non négligeables
Sous couvert de clarification, la CIR‑9‑2025 entraîne une diminution de la cotation potentielle pour certains actes et donc une baisse de rémunération.
Cela entre en contradiction avec la réforme de la profession infirmière, notamment la loi du 27 juin 2025 qui reconnaît :
- Le diagnostic infirmier autonome,
- L’élargissement des prescriptions,
- Le rôle croissant dans la coordination des soins.
Moins de cotations autorisées, pour plus de responsabilités : une incohérence dénoncée par de nombreux professionnels.
La profession réagit : recours et mobilisation
Face à cette mesure perçue comme injuste, plusieurs syndicats infirmiers ont décidé d’agir. Deux types de recours sont déjà lancés :
- Référé-suspension : demande de blocage immédiat de la circulaire.
- Contentieux au fond : procédure de long terme, visant à faire annuler la circulaire pour excès de pouvoir.
Les arguments invoqués :
- Absence de concertation avec les représentants de la profession,
- Portée normative déguisée (alors qu’une circulaire ne devrait pas créer de nouvelles règles)
- Atteinte au principe d’égalité entre professionnels selon les zones ou contextes.
Un climat de défiance mais aussi de mobilisation
Au-delà de l’aspect juridique, cette circulaire crée un climat de tension : les IDEL, déjà sous pression, ont le sentiment que leurs actes sont dévalorisés, malgré une reconnaissance accrue de leur rôle dans les soins à domicile.
Mais elle peut aussi être le déclencheur d’un sursaut collectif : la mobilisation syndicale, les partages d’information entre professionnels et les retours du terrain pourraient faire évoluer la CNAM.
D’ailleurs, certaines déclarations officieuses laissent entrevoir que la CNAM envisagerait des ajustements, selon les résultats des négociations conventionnelles à venir.
Ce qu’il faut retenir
La circulaire CIR‑9‑2025 est déjà applicable, même si elle fait l’objet de recours.
Une seule cotation AMI 14 ou 15 par jour est désormais autorisée, quelle que soit la fréquence des perfusions.
L’AMI 5 est réservé aux arrêts définitifs ou aux perfusions de plus de 24h.
L’AMI 4,1 devient une cotation intermédiaire importante, mais limitée à des actes précis.
Des pertes de rémunération sont à prévoir, en contradiction avec l’évolution du rôle infirmier.
Des recours juridiques et des négociations sont en cours, avec une possible révision partielle.
En conclusion : s’adapter, mais ne pas se résigner
La circulaire CIR‑9‑2025 illustre une fois de plus le décalage entre les réalités du terrain et les décisions administratives parce que en imposant une lecture restrictive des actes cotables, elle ignore la complexité des soins à domicile et le rôle central des IDEL dans la chaîne de soins.
Mais au lieu de se résigner, la profession doit s’adapter avec lucidité tout en continuant à faire entendre sa voix et en participant aux discussions, en saisissant les recours disponibles, et en diffusant l’information auprès des confrères et consœurs.
La page n’est pas encore tournée. Les mois à venir seront déterminants mais en attendant, restons solidaires, informés, et engagés pour défendre une reconnaissance à la hauteur de notre rôle sur le terrain.
Rédigé par Zoé d’Infimatch
Questions sur les prescriptions par les IDEL
La circulaire CIR‑9‑2025 a-t-elle valeur de loi ?
Non. Une circulaire est une instruction administrative. Elle n’est pas une loi, mais elle oriente l’interprétation des textes existants pour les CPAM. En pratique, elle s’impose aux professionnels tant qu’elle n’a pas été suspendue ou annulée par un recours.
Puis-je encore coter deux perfusions longues dans la même journée ?
Non. Depuis le 25 juin 2025, une seule cotation AMI 14 ou AMI 15 est autorisée par jour pour un même patient, même si deux perfusions sont réalisées à des horaires différents.
Que devient l’AMI 5 pour les débranchements ?
L’AMI 5 est désormais réservé aux perfusions de plus de 24h ou en cas d’arrêt définitif du traitement.
Pour un débranchement de perfusion de courte durée (moins de 24h), il faut désormais utiliser l’AMI 4,1.
Dans quels cas puis-je coter l’AMI 4,1 ?
’AMI 4,1 peut être coté pour :
- Une surveillance de perfusion longue (changement de flacon, branchement en Y, surveillance du débit…)
- Un débranchement non définitif
Une intervention liée à une complication sur demande du patient
La circulaire concerne-t-elle aussi les perfusions de moins de 60 minutes ?
Non. Les perfusions de moins d’une heure sous surveillance continue ne sont pas concernées par la circulaire CIR‑9‑2025.
Les cotations habituelles AMI 9 ou AMI 10 restent valables.
Peut-on encore contester cette circulaire ?
Oui. Plusieurs syndicats ont engagé des recours :
- Référé suspension pour stopper son application immédiate
- Contentieux pour excès de pouvoir (absence de concertation, inégalité de traitement…)
L’issue de ces démarches pourrait entraîner une modification ou une annulation de certains points.
Est-il prévu un ajustement de cette circulaire ?
La CNAM a évoqué, dans une communication récente, la possibilité d’ajuster la circulaire en fonction des retours de terrain et des discussions lors des négociations conventionnelles en cours (été-automne 2025).